– Quant à vous, Eugène Pavlovitch, vous avez même compté les minutes pendant que je dormais, lança-t-il d’un ton moqueur , – vous ne m’avez pas quitté des yeux toute la soirée, je m’en suis aperçu… Ah ! Rogojine ! Je viens de le voir en rêve, chuchota-t-il au prince en fronçant le sourcil et en montrant d’un signe de tête l’endroit de la table où était assis Parfione Sémionovitch. – Ah ! oui, à propos, fit-il en sautant brusquement d’un sujet à l’autre, où est l’orateur, où est Lébédev ? Il a donc fini son discours ? De quoi a-t-il parlé ? Est-il vrai, prince, que vous ayez dit un jour que la « beauté » sauverait le monde ? Messieurs, s’écria-t-il en prenant toute la société à témoin, le prince prétend que la beauté sauvera le monde ! Et moi je prétends que, s’il a des idées aussi folâtres, c’est qu’il est amoureux. Messieurs, le prince est amoureux , tout à l’heure, aussitôt qu’il est entré, j’en ai acquis la conviction. Ne rougissez pas, prince ! vous me feriez pitié. Quelle beauté sauvera le monde ? C’est Kolia qui m’a répété le propos… Vous êtes un fervent chrétien ? Kolia dit que vous-même, vous vous donnez ce nom de chrétien.
Le prince le contempla attentivement et ne répliqua point.
Dostoïevski, L’idiot
Cours de pensée médiévale sur saint Augustin