GLAUCON. De quelle manière disais-tu qu’il faut réformer l’étude de l’astronomie, si on veut la rendre utile à notre dessein de fonder un État? — SOCRATE, Le voici. Certainement, il faut considérer les ornements qui décorent la voûte des cieux: comme ce qu’il y a de plus beau et de plus accompli dans leur ordre , cependant, comme ils appartiennet à l’ordre des choses visibles, il faut les regarder comme bien inférieurs à ces véritables astres que la vraie vitesse et la vraie lenteur selon le vrai nombre et toutes les vraies figures produisent dans leurs mouvements respectifs et dans ceux qu’elles impriment aux corps célestes qui y sont attachés. Or toutes ces choses échappent à la vue , elles ne peuvent se saisir que par l’entendement et Ia pensée, et non par la vue. : ou bien croisrtiï-le contraire? GLAUCON. Nullement.– SOCRATE, Il faut donc que les divers ornements du ciel visible soient l’image du ciel intelligible et servent à notre instruction comme seraient pour un géomètre des dessins tracés et exécutés avec un art incomparable par Dédale ou par tout autre sculpteur ou peintre ?Tout en les considérant comme des chefs-d’oeuvre, un géomètre trouverait ridicule de les étudier sérieusement pour découvrir la vérité absolue des rapports entre des quantités égales, doubles et autres. – GLAUCON. En effet,, né’ serait-ce pas ridicule?– . SOCRATE. Ne crois-tu pas que le véritable astronome éprouvera, lé même sentiment,eii considérant’lès révolutions célestes? Tôiite la beauté que l’artiste dont nous parlons aura pu mèttredahs ses ouvrages, l’astronome ne pensera-t-il pas qu’il, doit la trouver dans l’oeuvre dé celui qui a fait le ciel et tout ce qu’il renferme ? Mais quant: aux rapports du jour, à, la nuit, dés jours aux mois,: des mois aux années,-enfin des autres astres entre eux ou avec le soleil, ne regardera-til pas, comme une extravagance de s’imaginer.,que ces rapports soient tou-, jours les mêmes, et qu’ils ne changentjamais, lorsqu’il ne s’agit que de phénomènes,matériels et visibles et dèchercher par tous les, moyens à découvrir dans ces phér riomènés la vérité même, de ces. rapports,?– GLAUCON. Je le crois aussi, Socrate, d’après ce que je viens d’entendre. – SOCRATE. Ainsi nous abandonnons l’astronomie comme la géométrie : notre but était de nous servir des données qu’elle fournit. Nous laisserons là le ciel et ses phénomènes, si nous voulons devenir de vrais astronomes, et tirer quelque utilité de la partie intelligente de notre âme, qui était inutile auparavant
Platon, La République,Livre VII, III