Les honnêtes gens ne se mêlent aux affaires que par nécessité

Les honnêtes gens ne veulent donc pas entrer dans les affaires pour les richesses ni pour les honneurs. S’ils acceptaient ouvertement un salaire pour exercer le pouvoir, ils craindraient d’être appelés mercenaires, ou voleurs, s’ils faisaient sur leurs fonctions des profits secrets. Ce ne sont point non plus les honneurs qu’ils ont en vue, car ils ne sont pas ambitieux. Il faut donc qu’il y ait pour eux une nécessité et un châtiment qui les détermine à prendre part aux affaires, et c’est pour cela peut-être qu’on attache une certaine honte à briguer les honneurs de son plein gré sans attendre la nécessité. Or, le plus grand châtiment pour celui qui ne veut pas gouverner, c’est d’être gouverné par un plus méchant que lui , c’est cette crainte qui détermine les hommes de bien à entrer dans les affaires publiques, quand ils y entrent. Alors ils se mêlent aux affaires, non pour leur intérêt ni pour leur plaisir, mais par nécessité et parce qu’ils ne peuvent les confier qu’à des hommes plus dignes ou du moins aussi dignes qu’eux-mêmes.

Platon, La République,Livre I, Chapitre 8