On éprouve tout autre chose dans l’union de toutes les puissances , car alors elles ne sont capables de quoi que ce soit au monde , l’entendement est comme frappé d’étonnement , la volonté aime plus que l’entendement ne conçoit, mais sans que l’âme comprenne ou puisse dire, ni si elle aime, ni ce qu’elle fait , la mémoire est, ce me semble, anéantie , il ne reste plus aucune idée , les sens ne servent pas plus que si on en avait totalement perdu l’usage. Tout cela, comme je me l’imagine, pour que l’âme puisse se livrer au cher objet dont elle jouit, et qu’elle ne perde rien de ces moments de déliées qui malheureusement durent si peu. L’âme s’aperçoit bien des grands avantages qu’elle retire de cet état précieux , elle est fort enrichie d’humilité, de bons désirs et d’autres vertus , mais on ne peut pas dire précisément ce que c’est. Car quoique l’âme exprime ordinairement ce qu’elle sent, il y a là quelque chose qu’elle a peine à comprendre et à faire entendre aux autres. Ce que j’en puis dire, c’est que cette union, lorsqu’elle est véritable, est la plus grande faveur que le Seigneur puisse faire à l’homme ici-bas, ou du moins une des plus grandes.
Sainte Thérèse d’Avila, lettre 13, au père Rodrigue Alvarez
Session sur la Révélation progressive de Marie dans l’église et le caractère eschatologique de l’église sur l’humanité du christianisme