Les premiers chrétiens ne soutiennent pas les doctrines protestantes.

Cette incompatibilité entre le protestantisme et le christianisme de l’histoire, que l’on prenne celui-ci à l’origine ou dans les siècles suivants, est un fait avéré. Les protestants ne se trouvent pas plus à l’aise dans sa période anténicéenne que dans sa période posttridentine. J’ai écrit ailleurs à ce sujet : « Le protestant doit avouer que le système de doctrine qu’il veut introduire, s’il a jamais existé à l’origine, a été enseveli comme par un déluge, d’un coup, en silence, et sans laisser de trace, un déluge survenu de nuit, qui a complètement noyé, déraciné, soulevé et emporté, avant le chant du coq, tout vestige de ce qu’il trouvait dans l’Église, de sorte qu’au matin, lorsqu’on s’éveilla, la race de ses fidèles « n’était plus que des corps morts ». Oui, morts et enterrés, et sans pierre tombale. « Les eaux sont venues sur eux, aucun d’entre eux n’a survécu , ils se sont enfoncés comme le plomb dans les eaux formidables. » Contraste étrange, en vérité, avec la fortune d’Israël qui est le type de l’Église ! « Alors l’ennemi fut submergé, et Israël les vit morts sur le rivage. » Mais ici, semble-t-il, les eaux ont avancé comme un flot sortant de la gueule du serpent, et ont recouvert tous les témoins, de sorte qu’il n’y a même plus « leurs cadavres gisants dans les rues de la grande cité. » Que le protestant prenne, de ses doctrines, celle qu’il voudra : sa conception de la justification, des cérémonies, de la superstition, sa notion de la foi, de l’adoration en esprit, sa négation de la vertu des sacrements, ou de la mission apostolique, ou de l’Église visible, sa doctrine de l’efficacité divine des Écritures comme seule source authentique de l’enseignement religieux. Qu’il examine si l’antiquité chrétienne, telle que nous la connaissons, lui apporte le moindre appui. Non, il devra reconnaître que le déluge supposé a fait son oeuvre et puis qu’il a disparu lui aussi, comme englouti par la terre sans plus de pitié qu’il n’en avait eu lui-même. »

John Henry Newman, Essai sur le développement de la doctrine chrétienne
P30