J’espère en la bonté de Dieu – même si vous n’êtes pas toujours parfaites – qu’il n’y aura pour vous dans cette maison que la possibilité de vous aimer parfaitement. C’est très bien que les unes s’apitoient sur les besoins des autres, mais il ne faut pas manquer à la juste mesure. Je dis “manquer”, en songeant à ce qui pourrait aller contre l’obéissance, c’est-à-dire contre ce qu’ordonne la Prieure , même si en votre for intérieur les ordres de la Prieure vous semblent rudes, n’en laissez rien voir à personne si ce n’est à la Prieure elle-même, et ceci avec humilité, sinon vous feriez beaucoup de mal , sachez discerner quelles sont les choses qui doivent vous faire peine à voir chez vos soeurs, et soyez toujours très chagrinées par toute faute, quelle qu’elle soit, que vous verrez chez elles. Là se montrera votre amour, dans la patience dont vous ferez preuve pour supporter cette faute chez votre soeur sans vous en étonner , et ainsi les soeurs feront de même pour celles que vous pourrez commettre et dont vous ne vous rendez pas compte (et elles doivent être bien plus nombreuses que les leurs) , recommandez instamment cette soeur à Dieu, et essayez de pratiquer avec grande perfection la vertu opposée à la faute que vous verrez chez elle , efforcez-vous-y, afin qu’elle ne puisse manquer – puisque vous êtes ensemble – de comprendre peu à peu ses erreurs mieux que par tous les châtiments et réprimandes que vous auriez pu lui infliger.
Ste Thérèse d’Avila, Le chemin de la perfection, Chapitre 11