Les bons anges sont embrasés du saint amour de Dieu, et les mauvais sont consumés de l’amour impur de leur propre grandeur

Qui doutera dès lors que Dieu, soit dans sa prescience, soit dans le fait, n’ait séparé les mauvais anges d’avec les bons? et qui niera que ces derniers ne soient fort bien appelés lumière, alors que l’Apôtre nous donne ce nom, à nous qui ne vivons encore que par la foi et qui espérons, il est vrai, devenir les égaux des anges, mais ne le sommes pas encore? « Autrefois, dit-il, vous étiez ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière en Notre-Seigneur ». A l’égard des mauvais anges, quiconque sait qu’ils sont au-dessous des hommes infidèles, reconnaîtra que l’Ecriture les a pu nommer très-justement ténèbres. Ainsi, quand on devrait prendre lumière et ténèbres au sens littéral dans ces passages de la Genèse : « Dieu dit : Que la lumière soit faite, et la lumière fut faite ». — « Dieu sépara la lumière des ténèbres», on ne saurait toutefois nous blâmer de reconnaître ici les deux sociétés des anges : L’une qui jouit de Dieu, et l’autre qui est enflée d’orgueil , l’une à qui l’on dit : « Vous tous qui êtes ses anges, adorez-le » , et l’autre qui ose dire par la bouche de son prince: « Je vous donnerai « tout cela, si vous voulez vous prosterner « devant moi et m’adorer », l’une embrasée du saint amour de Dieu, et l’autre consumée de l’amour impur de sa propre grandeur, l’une habitant dans les cieux des cieux, et l’autre précipitée de ce bienheureux séjour et reléguée dans les plus basses régions de l’air, suivant ce qui est écrit que « Dieu résiste aux superbes et donne sa grâce aux humbles », l’une tranquille et doucement animée d’une piété lumineuse, l’autre turbulente et agitée d’aveugles convoitises, l’une qui secourt avec bonté et punit avec justice, selon le bon plaisir de Dieu, et l’autre à qui son orgueil inspire une passion furieuse de nuire et de dominer, l’une ministre de la bonté de Dieu pour faire du bien autant qu’il lui plaît, et l’autre liée par la puissance de Dieu pour ne pas nuire autant qu’elle voudrait , la première enfin se riant de la seconde. et de ses vains efforts pour entraver son glorieux progrès à travers les persécutions , et celle-ci consumée d’envie quand elle voit sa rivale recueillir partout des pèlerins.

Saint Augustin, La Cité de Dieu, Livre 11,33