Moins nous possédons, moins je suis préoccupée. Le Seigneur sait bien, ce me semble, que j’ai davantage de peine quand on nous donne beaucoup que lorsque nous n’avons rien , peut-être est-ce le fait d’avoir vu que le Seigneur nous donne
immédiatement ce qu’il nous faut. Nous tromperions le monde s’il en était autrement : passer pour pauvres sans l’être en esprit, mais seulement extérieurement. Je m’en ferais un cas de conscience. Il me semble, pour ainsi dire, que ce serait voler ce que l’on nous donne et être comme des riches demandant l’aumône , plaise à Dieu qu’il n’en soit pas ainsi , là où il y a – je veux dire : où il y aurait – ces soucis exagérés d’aumône, on viendra à en prendre l’habitude et, peut-être, à demander ce dont nous n’avons pas besoin à plus nécessiteux que nous , bien que ces derniers ne puissent y perdre, mais au contraire y gagner, nous, nous y perdrions. Dieu nous en garde, mes filles ! Si jamais il devait en être ainsi, je préférerais que vous eussiez des rentes.
Ste Thérèse d’Avila, Le chemin de la perfection, Chapitre 2