Et si par hasard vous vous lanciez quelque mot vif, portez-y remède immédiatement , sinon, et si vous constatiez que le malaise grandit, priez ardemment , et si un état de choses de ce genre devait durer, que ce soit un esprit de clan, un désir d’être plus que l’autre, quelque point d’honneur (j’ai l’impression que mon sang se glace, comme on dit, en écrivant ceci, car je sais que c’est le principal fléau des monastères), tenez-vous pour perdues , sachez que vous avez chassé le Seigneur de sa maison : criez au secours à Sa Majesté , cherchez un remède, car si des confessions et des communions aussi fréquentes n’en apportent pas un, craignez qu’il n’y ait parmi vous quelque judas.
Que la Prieure, pour l’amour de Dieu, veille soigneusement à enrayer ce mal rapidement, et si l’amour ne suffit pas, qu’elle use des corrections les plus sévères. Si quelqu’une d’entre vous jette le trouble, faites en sorte qu’elle aille dans un autre monastère, et Dieu vous viendra en aide pour la doter. Jetez cette peste loin de vous, coupez les branches comme vous pourrez, et si cela ne suffit pas, arrachez la racine , mais si vous n’aviez pas d’autre solution, enfermez la fautive pour toujours dans une prison : cela vaut beaucoup mieux que de contaminer toutes les autres par un mal aussi incurable. Oh, que ce mal est grand ! Dieu nous délivre du monastère où il s’infiltre ! Je préférerais y voir entrer un feu qui vous consume toutes. Comme je reparlerai ailleurs de ce sujet, je n’en dis pas plus, Si ce n’est que je préférerais que vous vous aimiez avec tendresse et vous prodiguiez des marques d’affection sensibles – même si votre amour n’atteint pas la perfection de celui dont nous avons parlé, du moment qu’il s’adresse à toutes en général – plutôt qu’une seule note de discorde existe parmi vous. Que le Seigneur ne le permette pas pour l’amour de lui-même, amen.
Ste Thérèse d’Avila, Le chemin de la perfection, Chapitre 8