G.L. : C’est dire que pour vous, la famille, comme toutes les institutions sociales, est, dans son principe au moins, protectrice à l’égard des rivalités et de tous leurs avatars pathologiques. En fournissant à l’enfant des modèles et des interdits qui préviennent certaines rivalités et qui en modèrent d’autres, elle devrait le préparer et le fortifier pour le monde où l’imitation et la rivalité ne seront ni canalisées ni freinées comme elles le sont dans la famille encore fonctionnelle.
R. G. : La famille ne joue pas pour moi le rôle nécessaire qu’elle joue chez Freud dans la pathologie du désir. Cette pathologie n’est pas familiale dans son principe. Elle est mimétique. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que la famille ne puisse devenir pathologique. Non seulement elle le peut mais c’est souvent ce qui lui arrive dans notre univers. Plus la famille devient pathologique, plus elle s’éloigne de ce qu’elle est quand elle fonctionne normalement. Les rapports au sein de la famille deviennent alors semblables à ce qu’ils sont en dehors d’elle, ils se caractérisent soit par l’indifférence la plus totale, soit par le type d’attention morbide qui accompagne le désir mimétique partout où il fleurit, au sein de la famille ou en dehors d’elle.
Des choses cachées depuis la fondation du monde – René Girard