Le CarĂªme

La mort Ă©gale la plus longue vie Ă  la plus courte

Saint Augustin, La Cité de Dieu, 01,11

On ajoute: Plusieurs chrĂ©tiens ont Ă©tĂ© massacrĂ©s, plusieurs ont Ă©tĂ© emportĂ©s par divers genres de morts affreuses. Si c’est lĂ  un malheur, il est commun Ă  tous les hommes; du moins, suis-je assurĂ© qu’il n’est mort personne qui ne dĂ»t mourir un jour. Or, la mort Ă©gale la plus longue vie Ă  la plus courte : car, ce qui n’est plus n’est ni pire, ni meilleur, ni plus court, ni plus long. Et qu’importe le genre de mort, puisqu’on ne meurt pas deux fois? Puisqu’il n’est point de mortel que le cours des choses de ce monde ne menace d’un nombre infini de morts, je demande si, dans l’incertitude oĂ¹ l’on est de celle qu’il faudra endurer, il ne vaut pas mieux en souffrir une seule et mourir que de vivre en les craignant toutes. Je sais que notre lĂ¢chetĂ© prĂ©fère vivre sous la crainte de tant de morts que de mourir une fois pour n’en plus redouter aucune; mais autre chose est l’aveugle horreur de notre chair infirme et la conviction Ă©clairĂ©e de notre raison. Il n’y a pas de mauvaise mort après une bonne vie; ce qui rend la mort mauvaise, c’est l’évĂ©nement qui la suit. Ainsi donc qu’une crĂ©ature faite pour la mort vienne Ă  mourir, il ne faut pas s’en mettre en peine; mais oĂ¹ va-t-elle après la mort? VoilĂ  la question.

"Le bien que je veux faire, je ne le fais pas"

Rm 7, 14-25

Nous savons bien que la Loi est une rĂ©alitĂ© spirituelle : mais moi, je suis un homme charnel, vendu au pĂ©chĂ©. En effet, ma façon d’agir, je ne la comprends pas, car ce que je voudrais, cela, je ne le rĂ©alise pas ; mais ce que je dĂ©teste, c’est cela que je fais. Or, si je ne veux pas le mal que je fais, je suis d’accord avec la Loi : je reconnais qu’elle est bonne. Mais en fait, ce n’est plus moi qui agis, c’est le pĂ©chĂ©, lui qui habite en moi. Je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-Ă -dire dans lâ€™Ăªtre de chair que je suis. En effet, ce qui est Ă  ma portĂ©e, c’est de vouloir le bien, mais pas de l’accomplir. Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas. Si je fais le mal que je ne voudrais pas, alors ce n’est plus moi qui agis ainsi, mais c’est le pĂ©chĂ©, lui qui habite en moi. Moi qui voudrais faire le bien, je constate donc, en moi, cette loi : ce qui est Ă  ma portĂ©e, c’est le mal. Au plus profond de moi-mĂªme, je prends plaisir Ă  la loi de Dieu. Mais, dans les membres de mon corps, je dĂ©couvre une autre loi, qui combat contre la loi que suit ma raison et me rend prisonnier de la loi du pĂ©chĂ© prĂ©sente dans mon corps. Malheureux homme que je suis ! Qui donc me dĂ©livrera de ce corps qui m’entraĂ®ne Ă  la mort ? Mais grĂ¢ce soit rendue Ă  Dieu par JĂ©sus Christ notre Seigneur ! Ainsi, moi, par ma raison, je suis au service de la loi de Dieu, et, par ma nature charnelle, au service de la loi du pĂ©chĂ©.

"Tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu l’as emporté."

Gn 32, 23-33

Cette nuit-lĂ , Jacob se leva, il prit ses deux femmes, ses deux servantes, ses onze enfants, et passa le guĂ© du Yabboq. Il leur fit passer le torrent et fit aussi passer ce qui lui appartenait. Jacob resta seul. Or, quelqu’un lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore. L’homme, voyant qu’il ne pouvait rien contre lui, le frappa au creux de la hanche, et la hanche de Jacob se dĂ©mit pendant ce combat. L’homme dit : « LĂ¢che-moi, car l’aurore s’est levĂ©e. » Jacob rĂ©pondit : « Je ne te lĂ¢cherai que si tu me bĂ©nis. » L’homme demanda : « Quel est ton nom ? » Il rĂ©pondit : « Jacob. » Il reprit : « Ton nom ne sera plus Jacob, mais IsraĂ«l (c’est-Ă -dire : Dieu lutte), parce que tu as luttĂ© avec Dieu et avec des hommes, et tu l’as emportĂ©. » Jacob demanda : « Fais-moi connaĂ®tre ton nom, je t’en prie. » Mais il rĂ©pondit : « Pourquoi me demandes-tu mon nom ? » Et lĂ  il le bĂ©nit. Jacob appela ce lieu PenouĂ«l (c’est-Ă -dire : Face de Dieu), « car, disait-il, j’ai vu Dieu face Ă  face, et j’ai eu la vie sauve. » Au lever du soleil, il passa le torrent Ă  PenouĂ«l. Il resta boiteux de la hanche. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, les fils d’IsraĂ«l ne mangent pas le muscle qui est au creux de la hanche, car c’est lĂ  que Jacob avait Ă©tĂ© touchĂ©.

Tout ce que fait le corps affecte le Ă¢me.

La meilleure tactique sera, chaque fois que cela est possible, d’empĂªcher ton protĂ©gĂ© de prendre sĂ©rieusement la rĂ©solution de prier. Quand il s’agit, comme dans ce cas, d’un adulte converti de fraĂ®che date au parti de l’Ennemi, le meilleur moyen pour y arriver est de l’amener Ă  se rappeler – ou de lui faire croire qu’il se rappelle – les prières qu’il rĂ©pĂ©tait comme un perroquet du temps de son / enfance. On pourra le persuader de rĂ©agir lĂ  contre en visant Ă  quelque chose d’entièrement spontanĂ©, d’intĂ©rieur, de familier, de non rĂ©glementĂ©. Pour un dĂ©butant, cela voudra dire qu’en fait il s’efforcera d’éveiller une vague ferveur religieuse qui n’a rien Ă  voir avec son intelligence ou sa volontĂ©. Coleridge, un de leurs poètes, disait qu’il ne priait pas «en remuant les lèvres et en pliant les genoux», mais qu’il «disposait son esprit Ă  aimer» et qu’il s’abandonnait au «sentiment de la supplication». VoilĂ  exactement le genre de prière que nous voulons; et parce qu’elle ressemble superficiellement Ă  la prière silencieuse que pratiquent ceux qui ont mĂ»ri au service de l’Ennemi, certains parmi les plus intelligents et les plus paresseux de nos protĂ©gĂ©s peuvent s’y laisser prendre assez longtemps. Du moins peut-on les convaincre que la position physique pendant la prière est parfaitement indiffĂ©rente. Car ils oublient toujours ce dont tu dois te souvenir constamment: ce sont des animaux et, de ce fait, tout ce que fait leur corps affecte leur Ă¢me.

Si quelqu’un traite son frère de fou, il sera passible de la géhenne de feu.

Mt 5, 21-28

« Vous avez appris qu’il a Ă©tĂ© dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu’un commet un meurtre, il devra passer en jugement. Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement. Si quelqu’un insulte son frère, il devra passer devant le tribunal. Si quelqu’un le traite de fou, il sera passible de la gĂ©henne de feu. Donc, lorsque tu vas prĂ©senter ton offrande Ă  l’autel, si, lĂ , tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande, lĂ , devant l’autel, va d’abord te rĂ©concilier avec ton frère, et ensuite viens prĂ©senter ton offrande. Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour Ă©viter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison. Amen, je te le dis : tu n’en sortiras pas avant d’avoir payĂ© jusqu’au dernier sou. Vous avez appris qu’il a Ă©tĂ© dit : Tu ne commettras pas d’adultère. Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui regarde une femme avec convoitise a dĂ©jĂ  commis l’adultère avec elle dans son cÅ“ur.

"Laissez ShimĂ©Ă¯ me maudire"

2 S 16, 5-13a

David montait par la montée des Oliviers ;
il montait en pleurant,
la tĂªte voilĂ©e ; il marchait pieds nus.
Tous ceux qui l’accompagnaient avaient la tĂªte voilĂ©e ;
et ils montaient en pleurant.
    Comme le roi David atteignait Bahourim,
il en sortit un homme du mĂªme clan que la maison de SaĂ¼l.
Il s’appelait ShimĂ©Ă¯, fils de GuĂ©ra.
Tout en sortant, il proférait des malédictions.
    Il lançait des pierres à David
et Ă  tous les serviteurs du roi,
tandis que la foule et les guerriers
entouraient le roi Ă  droite et Ă  gauche.
    ShimĂ©Ă¯ maudissait le roi en lui criant :
« Va-t’en, va-t’en, homme de sang, vaurien !
    Le Seigneur a fait retomber sur toi
tout le sang de la maison de SaĂ¼l
dont tu as usurpé la royauté ;
c’est pourquoi le Seigneur a remis la royauté
entre les mains de ton fils Absalom.
Et te voilĂ  dans le malheur,
car tu es un homme de sang. »
    AbishaĂ¯, fils de Cerouya, dit au roi :
« Comment ce chien crevé
peut-il maudire mon seigneur le roi ?
Laisse-moi passer, que je lui tranche la tĂªte. »
    Mais le roi répondit :
« Que me voulez-vous, fils de Cerouya ?
S’il maudit, c’est peut-Ăªtre parce que le Seigneur
lui a ordonné de maudire David.
Alors, qui donc pourrait le lui reprocher ? »
    David dit Ă  AbishaĂ¯ et Ă  tous ses serviteurs :
« MĂªme celui qui est mon propre fils
s’attaque à ma vie :
à plus forte raison ce descendant de Benjamin !
Laissez-le maudire, si le Seigneur le lui a ordonné.
    Peut-Ăªtre que le Seigneur considĂ©rera ma misère
et me rendra le bonheur
au lieu de sa malédiction d’aujourd’hui. »

    David et ses hommes continuèrent leur chemin.

"Touche à tout ce qu’il possède : je parie qu’il te maudira en face !"

Il Ă©tait une fois, au pays de Ouç, un homme appelĂ© Job. Cet homme, intègre et droit, craignait Dieu et s’écartait du mal. Sept fils et trois filles lui Ă©taient nĂ©s. Il avait un troupeau de sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de bÅ“ufs, cinq cents Ă¢nesses, et il possĂ©dait un grand nombre de serviteurs. Cet homme Ă©tait le plus riche de tous les fils de l’Orient. Or ses fils avaient coutume d’aller festoyer les uns chez les autres Ă  tour de rĂ´le, et ils faisaient inviter leurs trois sÅ“urs Ă  manger et Ă  boire avec eux. Une fois terminĂ© le cycle des festins, Job les faisait venir pour les purifier. LevĂ© de bon matin, il offrait un holocauste pour chacun d’eux. Car Job se disait : « Peut-Ăªtre mes fils ont-ils pĂ©chĂ© et maudit Dieu dans leur cÅ“ur. » C’est ainsi que Job agissait, chaque fois. Le jour oĂ¹ les fils de Dieu se rendaient Ă  l’audience du Seigneur, le Satan, l’Adversaire, lui aussi, vint parmi eux. Le Seigneur lui dit : « D’oĂ¹ viens-tu ? » L’Adversaire rĂ©pondit : « De parcourir la terre et d’y rĂ´der. » Le Seigneur reprit : « As-tu remarquĂ© mon serviteur Job ? Il n’a pas son pareil sur la terre : c’est un homme intègre et droit, qui craint Dieu et s’écarte du mal. » L’Adversaire riposta : « Est-ce pour rien que Job craint Dieu ? N’as-tu pas Ă©levĂ© une clĂ´ture pour le protĂ©ger, lui, sa maison et tout ce qu’il possède ? Tu as bĂ©ni son travail, et ses troupeaux se multiplient dans le pays. Mais Ă©tends seulement la main, et touche Ă  tout ce qu’il possède : je parie qu’il te maudira en face ! » Le Seigneur dit Ă  l’Adversaire : « Soit ! Tu as pouvoir sur tout ce qu’il possède, mais tu ne porteras pas la main sur lui. » Et l’Adversaire se retira. Le jour oĂ¹ les fils et les filles de Job Ă©taient en train de festoyer et de boire du vin dans la maison de leur frère aĂ®nĂ©, un messager arriva auprès de Job et lui dit : « Les bÅ“ufs Ă©taient en train de labourer et les Ă¢nesses Ă©taient au pĂ¢turage non loin de lĂ . Les BĂ©douins se sont jetĂ©s sur eux et les ont enlevĂ©s, et ils ont passĂ© les serviteurs au fil de l’épĂ©e. Moi seul, j’ai pu m’échapper pour te l’annoncer. » Il parlait encore quand un autre survint et lui dit : « Le feu du ciel est tombĂ©, il a brĂ»lĂ© troupeaux et serviteurs, et les a dĂ©vorĂ©s. Moi seul, j’ai pu m’échapper pour te l’annoncer. » Il parlait encore quand un troisième survint et lui dit : « Trois bandes de ChaldĂ©ens se sont emparĂ©es des chameaux, ils les ont enlevĂ©s et ils ont passĂ© les serviteurs au fil de l’épĂ©e. Moi seul, j’ai pu m’échapper pour te l’annoncer. » Il parlait encore quand un quatrième survint et lui dit : « Tes fils et tes filles Ă©taient en train de festoyer et de boire du vin dans la maison de leur frère aĂ®nĂ©, lorsqu’un ouragan s’est levĂ© du fond du dĂ©sert et s’est ruĂ© contre la maison. ÉbranlĂ©e aux quatre coins, elle s’est Ă©croulĂ©e sur les jeunes gens, et ils sont morts. Moi seul, j’ai pu m’échapper pour te l’annoncer. » Alors Job se leva, il dĂ©chira son manteau et se rasa la tĂªte, il se jeta Ă  terre et se prosterna. Puis il dit : « Nu je suis sorti du ventre de ma mère, nu j’y retournerai. Le Seigneur a donnĂ©, le Seigneur a repris : Que le nom du Seigneur soit bĂ©ni ! » En tout cela, Job ne commit pas de pĂ©chĂ©. Il n’adressa Ă  Dieu aucune parole dĂ©placĂ©e.

Les chrétiens mettent leurs biens en sûreté en les employant en aumônes

Saint Augustin, La Cité de Dieu, livre 1, chapitre 10

Ceux qui faisaient un tel usage [charitable] de leurs biens ont été consolés de pertes légères par de grands bénéfices, et ils ont tiré plus de satisfaction des biens qu’ils ont mis en sûreté, en les employant en aumônes, qu’ils n’ont ressenti de tristesse de ceux qu’ils ont perdus en voulant les retenir par avarice. Tout ce qu’ils n’ont pas eu la force d’enlever à la terre, la terre le leur a ravi pour jamais.

JĂ©sus fut conduit au dĂ©sert par l’Esprit pour Ăªtre tentĂ© par le diable.

Mt 4, 1-11

Alors JĂ©sus fut conduit au dĂ©sert par l’Esprit pour Ăªtre tentĂ© par le diable. Après avoir jeĂ»nĂ© quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. » Mais JĂ©sus rĂ©pondit : « Il est Ă©crit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Alors le diable l’emmène Ă  la Ville sainte, le place au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est Ă©crit : Il donnera pour toi des ordres Ă  ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » JĂ©sus lui dĂ©clara : « Il est encore Ă©crit : Tu ne mettras pas Ă  l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » Le diable l’emmène encore sur une très haute montagne et lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire. Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si, tombant Ă  mes pieds, tu te prosternes devant moi. » Alors, JĂ©sus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est Ă©crit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, Ă  lui seul tu rendras un culte. » Alors le diable le quitte. Et voici que des anges s’approchèrent, et ils le servaient.

Prière, miséricorde, jeûne, les trois ne font qu'un et se donnent mutuellement la vie.

Homélie de saint Pierre Chrysologue

Il y a trois actes, mes frères, trois actes en lesquels la foi se tient, la piĂ©tĂ© consiste, la vertu se maintient : la prière, le jeĂ»ne, la misĂ©ricorde. La prière frappe Ă  la porte, le jeĂ»ne obtient, la misĂ©ricorde reçoit. Prière, misĂ©ricorde, jeĂ»ne, les trois ne font qu’un et se donnent mutuellement la vie.

En effet, le jeĂ»ne est l’Ă¢me de la prière, la misĂ©ricorde est la vie du jeĂ»ne. Que personne ne les divise : les trois ne peuvent se sĂ©parer. Celui qui en pratique seulement un ou deux, celui-lĂ  n’a rien. Donc, celui qui prie doit jeĂ»ner ; celui qui jeĂ»ne doit avoir pitiĂ© ; qu’il Ă©coute l’homme qui demande, et qui en demandant souhaite Ăªtre Ă©coutĂ© ; il se fait entendre de Dieu, celui qui ne refuse pas d’entendre lorsqu’on le supplie.