Quelle oreille pieuse pourrait entendre dire, sans en être offensée, qu’au sortir d’une vie sujette à tant de misères (si toutefois on peut appeler vie ce qui est véritablement une mort, à ce point que l’amour de cette mort même nous fait redouter la mort qui nous délivre), après tant de misères, dis-je, et tant d’épreuves traversées, enfin, après une vie terminée par les expiations de la vraie religion et de la vraie sagesse, alors que nous serons devenus heureux au sein de Dieu par la contemplation de sa lumière incorporelle et le partage de son immortalité, il nous faudra quitter un jour une gloire si pure, et tomber du faîte de cette éternité, de cette vérité, de cette félicité, dans l’abîme de la mortalité infernale, traverser-de nouveau un état où nous perdrons Dieu, où nous haïrons la vérité, où nous chercherons la félicité à travers toutes sortes de crimes, et pourquoi ces révolutions se reproduisant ainsi sans fin d’époque en époque et ramenant une fausse félicité et une misère réelle?
Saint Augustin, La Cité de Dieu, Livre 12,21