Le souverain bien est l’objet auquel nous rapportons toutes nos actions

Reste la morale ou, pour parler comme les Grecs, l’éthique, où l’on cherche le souverain bien, c’est-à-dire l’objet auquel nous rapportons toutes nos actions, celui que nous désirons pour lui-même et non en vue de quelque autre chose, de sorte qu’en le possédant il ne nous manque plus rien pour être heureux. C’est encore ce qu’on nomme la fin, parce que nous voulons tout le reste en vue de notre bien, et ne voulons pas le bien pour autre chose que lui. Or, le bien qui produit la béatitude, les uns l’ont fait venir du corps, les autres de l’esprit, d’autres de tous deux ensemble. Les philosophes, en effet, voyant que l’homme est composé de corps et d’esprit, ont pensé que l’un ou l’autre ou tous deux ensemble pouvaient constituer son bien, je veux dire ce bien final, source du bonheur, dernier terme de toutes les actions, et qui ne laisse rien à désirer au-delà de soi. C’est pourquoi ceux qui ont ajouté une troisième espèce de biens qu’on appelle extérieurs, comme l’honneur, la gloire, les richesses, et autres semblables, ne les ont point regardés comme faisant partie du bien final, mais comme de ces choses qu’on désire en vue d’une autre fin, qui sont bonnes pour les bons et mauvaises pour les méchants.

Saint Augustin, La Cité de Dieu, Livre 08,08