Sans doute rirez-vous de moi, et direz-vous que c’est là chose très claire, et vous aurez raison d’en rire car, pour moi, elle fut obscure pendant un certain temps. Je comprenais bien que j’avais une âme, mais ce que méritait cette âme, et qui y demeurait, je ne le comprenais pas car les vanités de la vie recouvraient mes yeux d’un bandeau. Si j’avais compris, comme je le fais pleinement maintenant, que dans ce petit palais de mon âme habitait un si grand Roi, il me semble que je ne l’aurais pas laissé seul si souvent, mais que de temps en temps je serais restée en sa compagnie, et aurais essayé que son palais ne soit pas si sale. Mais quoi de plus merveilleux que de voir celui qui remplirait mille mondes de sa grandeur s’enfermer dans une si petite chose ! C’est ainsi qu’il a voulu demeurer dans le ventre de sa Très Sainte Mère, Comme il est le Seigneur, il porte en lui la liberté, et comme il nous aime, il se fait à notre mesure. Quand une âme commence dans cette voie, il ne se fait pas connaître, de peur qu’elle ne se trouble en se voyant si petite pour contenir quelque chose de si grand, mais, petit à petit, tout doucement, il élargit cette âme à la mesure de ce qu’il met en elle. C’est pourquoi je dis qu’il porte en lui la liberté, car il a le pouvoir d’agrandir ce palais.
Ste Thérèse d’Avila, Le chemin de la perfection, Chapitre 30