Notre être avec ses facultés, son esprit, son corps, est un fait incontestable , toutes choses se rapportent nécessairement à lui, ce n’est pas lui qui se rapporte aux choses. Si je ne puis pas affirmer que j’existe, que j’existe de telle et telle manière, avec telle constitution mentale, autant dire que je ne possède aucune base de spéculation — et renoncer à toute spéculation. Tel que je suis, je suis ce que je suis, un tout. Voilà un point qu’il faut admettre , sinon la pensée n’est qu’un jeu sans aucune valeur. Il n’y a pas de milieu entre me servir de mes facultés telles qu’elles sont, ou me jeter au hasard dans le tourbillon du monde extérieur, selon l’impulsion du moment, en oubliant ce que je suis. Je suis ce que je suis, ou je ne suis rien. Comment pourrais-je penser, réfléchir, juger mon être, sans partir du point même que je vise dans rua conclusion ? Toutes mes idées ne sont que suppositions et je me meus éternellement dans un cercle. Il faut bien que je me suffise à moi-même, car je ne puis faire que je sois autre que je ne suis , me changer c’est me détruire. Si je ne me sers pas de mon moi, je n’ai pas d’autre moi sur lequel je puisse retomber, ma seule affaire est de chercher ce que je suis, afin de le mettre en valeur. Il suffit, pour établir la valeur de n’importe quelle fonction humaine, de démontrer qu’elle est naturelle. Ce dont il faut que je me rende compte, ce sont des lois sous lesquelles je vis. Mon premier devoir, devoir élémentaire, c’est la résignation aux lois de ma nature quelles quelles soient , je désobéis si je me révolte contre ce que je suis, si je rêve d’être ce que je ne suis pas, si je me méfie de mes forces et si je désire changer des lois qui sont identiques à moi-même.
Newman, Grammaire de l’assentiment, P279