Si ce n’est en Dieu, où et quand ai-je éprouvé le bonheur pour m’en souvenir, l’aimer et le désirer ?

Mais où, mais quand ai-je vécu ma vie heureuse pour m’en souvenir, pour l’aimer, pour la désirer ? Et il ne s’agit pas ici de mon désir ou du voeu de quelques hommes, car en est-il un qui ne veuille être heureux ? Une notion moins sûre permettrait- elle une volonté si certaine ? Demandez à deux hommes s’ils veulent porter les armes, peut-être l’un dira oui l’autre non, demandez-leur s’ils veulent être heureux, tous deux répondront sans hésiter que tel est leur désir, et le même désir appelle l’un aux armes et en détourne l’autre. Ne serait-ce pas que, trouvant leur plaisir, l’un ici, l’autre là, tous deux s’accordent néanmoins dans leur volonté d’être heureux, comme ils s’accorderaient dans la réponse à la question s’ils veulent avoir sujet de joie, et cette joie même, c’est ce qu’ils appellent bonheur, l’unique but qu’ils poursuivent par des voies différentes. Or, comme la joie est chose que tout homme, un jour, a ressentie, il faut que ce nom de bonheur en représente la connaissance à la mémoire.

Saint Augustin, Les confessions, Livre 10, Chapitre 21

Cours de théologie spirituelle sur la loi naturelle